Oubliez les fusées d’Elon Musk, car c’est son rival, le milliardaire Jeff Bezos, qui pourrait bien asseoir définitivement son implacable domination sur la planète grâce à des robots aspirateurs. Cet été, pendant que vous étiez à la plage, dans la torpeur moite des canicules, il s’est passé un truc à première vue rigolo puisqu’un peu insignifiant et ridicule, mais qui devrait franchement vous inquiéter.
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En fait, ça devrait terrifier à peu près n’importe qui dont le nom de famille n’est pas Bezos. Au début du mois d’août, Amazon a déboursé la modique somme de 1,7 milliard de dollars, c’est à dire à peu près le PIB de la Centrafrique. C’est vraiment vrai, c’est quasiment le PIB de la Centrafrique pour racheter iRobot, une entreprise dont le nom un peu ringard ne vous évoque surement pas grand chose. En revanche, si je vous dis Roomba, des images assez excitantes devraient rapidement traverser votre esprit. Le Roomba, le destrier de nos salons, robot aspirateur parcourant les moquettes à vive allure pour en engloutir les poussières avec un pouvoir de succion équivalent à celui d’un ministre agenouillé devant Jupiter, de vrais petits bolides, bien pratique pour les grosses flemme qui n’ont pas la force d’âme nécessaire pour tenir un balai. A première vue, c’est surprenant, le PIB de la Centrafrique, contre des petits aspirateurs rigolos qui servent en vrai, pas à grand chose. Pourtant, cette news insolite a déclenché les sonnettes d’alarme de tous les spécialistes à travers le monde. Et pour cause, l’acquisition d’iRobot et de ces aspirateurs connectés pourrait être la dernière étape de l’intrusion progressive et incroyablement lucrative d’Amazon dans nos foyers et dans nos vies, sans qu’aucun retour en arrière ne soit plus possible. A la base, iRobot, c’est une entreprise fondée en 1990 par des spécialistes en robotique tout droit sortis du laboratoire d’intelligence artificielle du MIT. En premier lieu, la petite start up commercialise des robots militaires qui seront notamment utilisés en Irak et en Afghanistan pour déminer le sol, mais seront également utilisés plus tard pour explorer l’intérieur de la centrale nucléaire de Fukushima.
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Après la fusion de son réacteur en 2011, ils serviront également de base pour les robots que la NASA enverra sur Mars, Spirit et Opportunity. Bref, des petits engins assez mobiles et agiles, plutôt sophistiqués et parfaitement adaptés au milieu hostile et accidenté. Mais un robot change très vite son fusil d’épaule et dévoile en 2004 le produit qui deviendra un véritable best seller, le Roomba. Le Roomba est tout simplement un petit robot aspirateur qui se déplace tout seul dans la maison en aspirant le sol de ses maîtres. Très autonome, il s’est retourné tout seul. Recharger ses batteries sur sa base, c’est vraiment confortable. Il ne reste plus qu’à changer le sac à poussière de temps en temps et à profiter en se promenant pieds nus sans s’infliger la désagréable sensation d’avoir des miettes collées sous les panards. De prime abord, ça peut sembler être un énorme glow down pour iRobot, d’un point de vue technique, on switch de robots qui vont dans l’espace à des aspirateurs un peu pathétiques qui se cognent dans les murs. Mais en vrai, le Roomba reste une innovation technologique intéressante avec la capacité de se repérer dans une pièce qui lui est au départ totalement inconnue, sans qu’aucun humain ne tienne la manette, ce sera d’ailleurs le principal sujet d’innovation des différents modèles de Roomba, avec dix générations en moins de 20 ans, chacune améliorant la capacité du Roomba à connaître son environnement.
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Amazon rachète iRobot pour son expertise en robots détecteurs de déjections canines
Désormais, le robot établit une cartographie précise des domiciles où il évolue pouvant mêmes déterminer les endroits nécessitant plus ou moins de nettoyage. La dernière génération, la série J, analyse carrément des images de l’ameublement et des éléments environnants pour éviter par exemple de rouler sur une grosse crotte de chien et de l’étaler bien partout dans toute la cuisine, dégueu. Bref, tout ça pour dire que le Roomba n’est pas aussi inintéressant que ça a l’air. C’est sûr que c’est plus sexy de coder des robots qui vont dans l’espace que des machins qui sont censés éviter les crottes de chien. Mais le challenge technique n’est pas forcément dénué d’intérêt. Surtout, la raison de ce revirement de bord, c’est la taille du marché. Entre 1990 et l’arrêt total de la production des robots militaires en 2016, soit sur une période de 26 ans, iRobot a écoulé environ 5000 exemplaires de ces machines, pour ce qu’il s’agit des roomba et consorts, c’est plus de 30 millions de robots évite crottes qui se sont invités dans les salons du monde entier. Vous comprendrez donc que le calcul était vite fait quand il s’agissait d’investir en recherche et développement. Bien que la domination du marché des robots aspirateurs par iRobot soit aujourd’hui en recul, passant de 64 % des parts de marché à un peu moins de 50 % en 2021, principalement concurrencé par les marques chinoises, il reste le principal acteur de ce secteur, qui connaît par ailleurs une énorme croissance. Alors, que s’est-il passé ? Pourquoi Jeff Bezos a t il décidé de claquer 2 milliards de dollars dans une entreprise spécialisée dans l’évitement de crottes de chiens ? Pour comprendre ce qui s’est passé. Il faut revenir deux mois en arrière, en juin 2022, quand un communiqué de presse d’iRobot fit l’effet d’une bombe dans le très fermé réseau des amateurs de robots détecteurs de déjections canines. C’était une phrase très, très longue.
iRobot dévoile iRobot Operating System, le plus intelligent de tous les systèmes d’exploitation pour la maison
iRobot dévoile iRobot Operating System, le plus intelligent de tous les systèmes d’exploitation pour la maison. Colin Angell, le président et directeur général iRobot, dévoile le 31 mai son dernier projet un nouveau système d’exploitation pour les dizaines de millions de aspirateurs rumba connectés dans le monde. Le but ? Intégrer une intelligence artificielle qu’il qualifie d’une première pierre, d’un écosystème intelligent censé se développer dans toutes les maisons, capables de reconnaître 600 commandes vocales différentes et d’identifier plus de 80 objets et meubles du quotidien, grâce à sa plateforme de reconnaissance d’images, et on parle bien d’un mapping avancé de la maison pour que le Roomba soit capable de répondre à l’ordre, nettoie autour du canapé, explicitement évoqué dans le communiqué de presse, le robot doit bien être capable d’apprendre tout l’agencement de la maison, de ses différentes pièces et surtout de reconnaître des meubles. Ça paraît peut être pas si fou comme ça, mais ça veut dire qu’en posant un Roomba dans votre maison et en le laissant faire sa vie, l’aspirateur sera rapidement capable de décrire d’une manière structurée l’ameublement de votre maison et la manière dont vous y vivez, les endroits que vous salissait plus, les objets que vous laisser traîner, et cetera.
La double activité d’Amazon : la data et le commerce
Et c’est bien cette promesse là qui a attisé l’appétit du géant Amazon et de son tout puissant patron. Le chauve absolu, Jeff Bezos. Vous êtes peut être déjà au courant de ça. Mais avant d’être une entreprise de commerce, Amazon est une entreprise de data. Ça fait un bon moment que ce constat a été fait par les experts. Pour s’en convaincre, il suffit de foutre le nez dans les résultats d’Amazon pour l’année 2021. D’abord, les bénéfices générés par la branche Web Services d’Amazon avec les fameux serveurs AWS Amazon. Services. Ils atteignent les 20 milliards de dollars en 2021, auxquels il faut encore ajouter les 10 milliards de revenus liés à la publicité en ligne. On peut s’amuser et comparer ces revenus à ceux générés strictement par la plateforme de commerce en ligne Amazon. Celle où on peut acheter plein de trucs par ses propres réseaux d’approvisionnement a généré 66 milliards de dollars, auxquels il faut encore ajouter 30 milliards de dollars qui sont payés par les services tiers qui utilisent la plateforme pour vendre leurs produits. On a donc retrait du 30 milliards de bénéfice pour les activités strictement numériques, à comparer à environ 100 milliards de dollars pour les activités strictement commerciales.
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Vous allez sûrement dire qu’il est donc un peu fort de café de qualifier Amazon d’entreprises de data alors qu’elles génèrent trois fois plus de revenus par les activités de commerce que par les activités strictement numériques. Mais si on regarde ce qui a permis à Amazon de se différencier des autres plateformes de e-commerce, c’est encore une fois la data.
En enregistrant absolument toutes les activités que les utilisateurs ont sur son catalogue de produits. Amazon a rapidement pu optimiser la manière dont il suggère des achats aux consommateurs, faisant ainsi exploser le taux de conversion des internautes naviguant sur ses pages, c’est à dire la proportion de curieux qui iront jusqu’à l’acte d’achat. Cette optimisation, elle se fait en deux étapes. D’abord, en analysant chaque soubresaut du comportement d’un acheteur sur son site, l’algo Amazon est capable d’établir un profil très précis de Jean Michel derrière son clavier.
Et comme il a établi ce type de profil pour des milliards d’utilisateurs et des centaines de milliards de sessions d’achats, il va pouvoir très facilement rattacher le profil de Jean Michel à des profils similaires et lui suggérer exactement les produits qui lui feront cliquer sur le bouton Commander.
Comment Amazon est devenue une entreprise de data
Certes à la fin, c’est bien l’argent payé par Jean Michel pour un produit qui forme le chiffre d’affaires d’Amazon Commerce, mais dans la chaîne de valeur, de l’approvisionnement au stockage, à la livraison et à la vente, c’est bien l’aspect vente qui est différenciant pour Amazon. Un avantage compétitif qui se base sur les gargantuesques bases de données constituées par Amazon sur les comportements humains. On en est au point où même lorsque vous n’allez pas sur Amazon, l’algo prévoit, en fonction de ce qu’il sait sur vous, que vous allez probablement vous connecter à telle période de l’année en cherchant tel produit et qu’il a tout intérêt à vous le mettre en avant sur sa page d’accueil. Il n’y a pas que la data qui crée de la valeur, mais c’est elle qui constitue les fondements de l indéboulonnable empire de Jeff Bezos. Alors certes, on pourrait tout de même voir derrière l’achat des robots une manière de diversifier les activités robotiques d’Amazon, qui en a notamment grand besoin dans ses entrepôts. Car quand on interdit aux employés d’aller faire pipi. L’opinion publique a tendance à se raidir un peu. Donc remplacer les employés par des robots facilite certainement le management. Le 9 septembre, Amazon a d’ailleurs racheté une autre entreprise, Clostermann, spécialisée dans la robotique industrielle, et qui produit des mécatronique et des machines dédiées aux chaînes. L’achat des robots correspondrait donc à une volonté d’augmenter le savoir faire logistique et donc les activités de commerce. Mais ce n’est pas suffisant comme explication. Le Roomba, avant d’être une technologie particulièrement innovante, c’est d’abord un objet qui a le mérite d’avoir déjà été accepté par les gens. C’est normal d’avoir un aspirateur robot chez soi et surtout, son usage est quasi quotidien. Il est entré dans les mœurs. Et pardonnez moi l’expression, c’est ça qui va faciliter la pénétration de Jeff Bezos dans votre intimité. Car le milliardaire n’en est pas à son coup d’essai. Vous connaissez tous Alexa, le fameux assistant de maison qui répond aux ordres vocaux.